Légendes, traditions, anecdotes

« La chapelle », « le château » de Saint-Hippolyte ?

Vous entendrez peut-être les habitants de Bonnay dire « la chapelle », des anciens des villages voisins dire « le château » pour désigner Saint-Hippolyte.
Ce sont des ignares, des béotiens, dirons certains… Et bien non, c’est tout le contraire !
Ce sont des appellations qui se sont perpétuées au cours des siècles, l’histoire et l’étymologie leur donnent raison :

  • l’origine du mot « château » se trouve dans le mot latin « castellum », diminutif de « castrum » et le doyenné fortifié est justement désigné sous l’appellation « Castrum Sancti Hippolyti » dans une charte de Cluny de 1319 ;
  • au XVIIe siècle, le toit de la nef s’étant écroulé, l’église de Saint-Hippolyte a été transformée en chapelle en utilisant la partie intacte du chœur et du transept, et en condamnant les arcades de communication entre le transept et la nef. Au XVIIIe, la messe y était dite le lundi.

La source de Saint-Hippolyte

Non loin des ruines de l’église se trouve la « source de Saint-Hippolyte » dite aussi « Fontaine de dévotion du Jactin« . Elle se situe à environ 200 mètres plus bas, dans un lieu-dit nommé « en Jactin », en lisière du « pré à Jacquetin ». D’après la tradition orale, cette source ne se tarirait jamais, même par les pires années de sécheresse …
(Le chemin rural en impasse qui y mène s’appelle ‘Chemin rural de la Forge’, peut-être y avait-il une forge aux environs ?)

une source guérisseuse ?
Une légende, rapportée par les anciens de Bonnay, raconte que que la source porte ce nom parce qu’Hippolyte, alors soldat romain, s’y serait arrêté pour y soigner une blessure. La guérison de ses plaies aurait été étonnement rapide…

Voici ce que l’on peut lire à ce sujet dans l’ouvrage de Denis Grivot  « La Légende dorée d’Autun, Charolles, Louhans et Mâcon » (Lescuyer -Lyon- 1974) :

« A Bonnay, au hameau qui porte son nom, un pèlerinage était très fréquenté; on buvait l’eau de la source voisine ; la nuit de la fête du saint, une goutte de sang apparaissait à la surface de l’eau, car c’est là qu’Hippolyte avait lavé ses blessures ; l’eau guérissait des maux d’yeux et des coliques ; il s’y produisit de tels abus qu’en 1779, le curé Monin adressa une supplique à l’évêque de Mâcon pour lui demander d’intervenir. »

fécondité ?
Certains lui attribuent également des vertus de  fécondité, pour les femmes qui viennent boire son eau.

Les pèlerinages

Autrefois, le site était un important lieu de pèlerinage.

Cette photo du pèlerinage de Notre Dame de Grâce, empruntée au site de Savigny sur Grosne (http://savignysurgrosne.e-monsite.com), montre l’ampleur que pouvaient encore prendre les pèlerinages au début du XXe siècle :

pelerinage notre dame

Le pèlerinage, autour des restes de l’église et de la source, s’était perpétué depuis le Moyen-Age, et avait pris depuis fort longtemps une tournure de fête populaire, qui n’était pas uniquement religieuse… Les curés du villages y prenaient ombrage, par exemple, en 1779, le curé de Monin de Bonnay adresse une lettre à l’évêque de Mâcon, déplorant  que les lundis, jours de messe, la cour de l’église est « remplie de boutiques, de merciers, de boulangers et de cabaretiers« .
Finalement, en 1857, le curé Bonnardel trouva un moyen de détourner l’attention de ses paroissiens de ce lieu, en installant une relique dans l’église principale du village, attirant ainsi la foule vers le centre du Bourg, ainsi que l’explique Denis Grivot, dans « La légende dorée » :

« Après la révolution, le pèlerinage reprit, les abus aussi; les curés n’y pouvaient rien. Pour donner un sang nouveau au pèlerinage, le curé Bonnardel obtint en 1857 une relique importante, venant tout droit de Rome. Le 8 août de cette même année, il célébra la translation de la relique dans l’église, ce qui attira une foule très nombreuse; chaque année, il recommença à célébrer l’anniversaire de la translation; le pèlerinage reprit ainsi la dignité qu’il avait perdue; mais il en mourut, vers 1900 ; seuls, les Blancs viennent encore à la source« .

Les « Blancs » désignés ci-dessus, généralement originaires du sud du département (autour de Charolles, de Buffières, …), font partie d’une minorité religieuse séparée de ‘Église catholique romaine.

Ils ne reconnaissent pas l’autorité et l’infaillibilté du pape, administrent aux-même les sacrements au sein de leur communauté, observent une morale rigoureuse ; leurs tombes, très sobres, sont à part, dans le « carré des blancs ». Ils vouent un culte aux saints et à la Vierge, et pratiquent des pèlerinages silencieux, en fréquentant notamment des églises paroissiales qui n’ont pas été « souillées « par les événements révolutionnaires : l’église de Saint-Hippolyte fait partie, puisqu’elle était déjà effondrée au moment de la Révolution Française.

Claude Brun, dans son ouvrage « ‎Les Blancs ou Anti-concordataires du Charolais. Extrait des Annales de Bourgogne, 1929‎« , dont voici quelques extraits et résumés, nous éclaire sur les origines de cette minorité : (*)

Appelés également dans d’autres régions , Petite Église, Anti-concordataires, Bleus, Élus, Illuminés, ils se sont séparés de l’Église catholique officielle pendant la Révolution, lorsque la Constituante eut décrété la Constitution civile du clergé.

Cette loi, votée en 1790, avait détruit le clergé comme État à part, l’avait dépossédé de ses biens immenses, réduit ses membres à l’état de simples fonctionnaires, supprimé les couvents, un grand nombre d’évêchés (…) La plupart des évêques et un certain nombre de prêtres avaient refusé tout serment [à cette Constitution] . Ils avaient été chassés de leur cathédrale ou de leur église et avaient vu leur traitement supprimé. Ils s’étaient alors retirés dans des lieux écartés, des hameaux, des chapelles, des châteaux, des maisons isolées, où ils attiraient les fidèles par leurs prédications.
Pendant la Terreur, tout culte fut supprimé. A ce moment, il n’y eut donc plus que les prêtres réfractaires pour célébrer la messe et administrer les sacrements; les enfants étaient baptisés dans des caves, des écuries, des granges; la messe se célébrait dans les mêmes endroits, parfois dans les bois.
Quand la Terreur cessa et que la liberté du culte fut tacitement tolérée, un certains nombre de prêtres assermentés rentrèrent dans leur église, mais les prêtres réfractaires détournèrent d’eux la population. Dans d’autres endroits, il y eut lutte pour l’occupation de l’église, qui resta souvent en possession de l’ancien curé.
Cet état d’anarchie dura jusqu’au Concordat, en 1802. Bonaparte, alors Premier Consul, avait exigé du pape la démission en masse de tous les évêques, qu’ils soient constitutionnels ou réfractaires, avant de procéder à leur nomination définitive, en écartant les plus violents des deux partis.. Les prêtres réfractaires qui ne reçurent pas de nomination, secondés par quelques personnes exaltées, continuèrent à exercer leur ministère en dehors des églises. Certains fidèles leur restèrent attachés. Ainsi fut consacrée la séparation définitive des Blancs.

(*) grand merci à Paul Rignac, qui a réédité ce texte dans un excellent ouvrage intitulé
Le mystère des Blancs
, publié par Arconce Éditions en 2013.     
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Orthographe : Hippolyte ou Hyppolite ? – « L’homme qui délie les chevaux »

Où faut-il placer le « Y » ?
Dans différents documents, y compris des documents officiels, historiques, cartographiques et sur des panneaux de signalisation, on trouve différentes orthographes : Saint-Hippolyte, Saint-Hyppolite , voire SaintHypolite … Et dans des textes anciens, on trouve Sancto Ypolito, villa S. Hippolyti

 L’orthographe ‘Saint-Hyppolite’, pérennisée par l’architecte Didier Méhu, dans sa thèse « Paix et communautés autour de l’abbaye de Cluny » ,  si elle fait ainsi ‘partie de l’histoire du site‘ (sic), n’est pas très heureuse, car elle empêche toute géolocalisation par les visiteurs, et perturbe la recherche sur Internet.

L’orthographe privilégiée ici, est Hippolyte, en tenant compte de l’étymologie grecque ancienne  Ἱππόλυτος / Hippóluto, qui signifie ‘qui délie les chevaux’ :
ἵππος / híppos,  le cheval (hippodrome, hippopotame, hippocampe, …)
λύειν / lúein,  délier (où le ‘u’ s’est transformé en ‘y’, racine que l’on retrouve aussi dans les mots analyse, dialyse, électrolyte…)
Citation : « Avant d’être nom propre, le grec hippolutos est un adjectif qui signifie « qui détache les chevaux ». Ce sens fait particulièrement ressortir l’ironie cruelle de l’Hippolyte d’Euripide, puisque le héros meurt prisonnier des lanières qui entravaient ses chevaux et traîné par eux dans les rochers, et c’est bien parce que « celui qui détache les chevaux » ne les a justement pas détachés qu’il est mort. » (Académie Française)

hippolyte - phèdre - rubens La mort d'Hippolyte   La mort d’Hippolyte (scène mythologique), par Rubens.

Quant au préfixe ‘hypo‘, il a une tout autre signification : en grec, ὑπόhupo’ (à l’inverse de ὑπέρ  ‘hyper’), signifie «en-dessous, sous» . Les mots, formés de ce préfixe, prennent alors un sens caché ou expriment une idée de diminution. Par exemple un hypogée est un tombeau souterrain, un hypocrite est une personne qui manque de franchise, et l’hypocauste, qui fut mis à jour au Levry à Confrançon non loin de Saint-Hippolyte, était un système de chauffage par le sol dans les thermes.

Saint Hippolyte

Le 13 août est le jour de la fête de saint Hippolyte. Qui était saint Hippolyte ?

Voici ce que nous en dit Denis Grivot, dans l’ouvrage « Légende dorée Autun, Chalon, Charolles, Louhans et Mâcon » (1974) :

« Saint Hippolyte – fête le 13 août – : plusieurs personnages portent le nom d’Hippolyte ; pour simplifier le travail, nos ancêtres inventèrent une vie d’Hippolyte qui peut être appliquée à qui l’on veut ; on fit d’Hippolyte le gardien de la prison où fut enfermé Saint Etienne ; converti par le saint diacre, il assista à son martyre et fut lui-même martyrisé ; comme son nom veut dire traîné par un cheval, on décida qu’il mourût attaché à la queue d’un cheval. Ses reliques furent transportées à l’abbaye de Saint Denis. Hippolyte est évidemment devenu le protecteur des chevaux »

Martyre de saint Hippolyte selon le diocèse d’Autun, 1864 (ajouter document scanné)

Histoires collectées oralement dans les années 80, concernant St-Hippolyte :

A propos de la crypte supposée de St-Hippolyte

A la fin du 19ème siècle, deux vignerons étaient en train de « miner » la vigne, pour la replanter, derrière l’église (contre le chevet). Ils piochaient jusqu’à 50 cm. Ils tombent sur une voûte, arrachent une pierre, et enfoncent une perche, sans atteindre le fond… Or la vigne appartenait à un certain Bouilloux, percepteur à Lugny. Il ne voulait pas continuer les fouilles, car pour lui, « ça rapporte de plus de travailler le dessus que le dessous »… Et depuis, on n’en a plus entendu parler… (histoire à rapprocher de la découverte de monnaies seigneuriales, faites par un certain Bouilloux, percepteur à Lugny, et dont on trouve la publication dans les Annales de l’Académie de Mâcon).

Découverte de trésors

  • A la Révolution, les moines de Cluny auraient apporté 14 ( !) voitures d’or à Chassignoles. On en aurait retrouvé caché dans les murs…
  • Un patron et son commis étaient en train de labourer avec des bœufs à la Condemine (« Canmeune » en patois, à environ 400m au nord de St-Hippolyte). Soudain, la charrue accroche. Le patron dételle alors, mais laisse la charrue sur place, disant qu’ils en avaient assez fait pour la journée. A la nuit tombée, le patron revient avec une lanterne, mais le commis, qui se doutait de quelque chose, le suit. Ils arrivent donc à la charrue, creusent un peu et déterrent une boîte en plomb pleine de pièces d’or de 1 franc, et le patron est alors obligé de partager le trésor…

Une partie de ce trésor est toutefois conservée aux collections archéologiques de la ville de Mâcon. Extrait des « Annales de l’Académie de Mâcon -1913 – G Lafay » :  découvertes de monnaies – Lafay -annales académie de mâcon 1913 (cliquer pour lire)

Les cloches de Saint-Hippolyte

Les cloches de Saint-Hippolyte seraient déposées dans la Guye, dans un trou d’eau à environ 300m du chemin d’Aynard (en amont ou en aval ? pour faciliter les recherches !)

La légende de la dernière marquise de Belle-Perche (*)

« L’ancien château (-de Chassignoles, à 1/4h à pied de Saint-Hippolyte-) était entouré d’un grand nombre d’habitations qui, pour la plupart, sont disparues. Ce manoir était la résidence des Sires de Belle-Perche. La tradition s’est plu à entourer cette demeure d’un certain nombres de légendes, dont la plus curieuse aurait eu pour héroïne la dernière marquise de Belle-Perche.

Cette dame vivait seule au château (…) pendant que son mari était au service du roi.
Il arriva qu’un jour elle tomba dans un état de langueur qui se termina par une syncope, présentant toutes les apparences de la mort. (…) La prétendu morte fut inhumée dans le caveau des seigneurs de Chassignoles, situé à Aynard, qui était une des dépendances du château.
On avait revêtu la marquise de ses plus beaux habits et orné ses doigts de bagues précieuses. La vue de ces joyaux excita la convoitise d’un des serviteurs qui, la nuit venue, se glissa au caveau dans le dessein de s’emparer des bijoux.(…) Le voleur saisit une petite scie dont il avait eu soin de se munir et se mit à couper les doigts de la châtelaine. Mais celle-ci, réveillée de son sommeil léthargique par la douleur, poussa un cri; saisi d’effroi, le misérable s’enfuit épouvanté en oubliant de fermer le caveau.
Revenue à elle, la dame de Belle-Perche , non moins surprise de se voir enterrée vivante, s’empressa de quitter sa couche funèbre et de regagner le château où elle apparur soudain, comme un trouble-fête, au milieu de la joie bruyante de ses domestiques qui noyaient leur chagrin dans de copieuses libations. (..)
Sur ces entrefaites, le Seigneur de Belle-Perche, à qui on avait annoncé la mort de sa femme, arriva précipitamment au château où il fut tout heureux de retrouver sa douce compagne, auprès de laquelle il jura de vivre désormais. (…) »

(*) extrait d’un manuscrit de  M. Guignard, instituteur, rapporté dans « Fragments, illustrations et notes sur Bonnay » ou « Bonnay en Mâconnais… un village qui a 100 ans » de Madame Marthe DUBOIS

Mont-Verrier

Saviez-vous que, pendant la Révolution française,  dans un mouvement général de déchristianisation, à partir de l’an II, soit 1793 (et jusqu’en 1801), le village de Saint-Hippolyte fut débaptisé en  « Mont Verrier » ?

Vers la même époque, Saint-Gengoux-le-Royal était devenu ‘Jouvence’, puis Saint-Gengoux-le-National, tandis que Saint-Ythaire s’appelait ‘Mont-Ainard’, Saint-Martin-du-Tartre ‘La Montagne du Plain’, Saint-Julien-de-Civry débaptisé en ‘Vert Pré’, Mont-Saint-Vincent tout simplement ‘Belvédère’, ou ‘Mont Belvédère’.

Noms de lieux anciens

Pour rester dans le domaine de la topographie, voici quelques noms de lieux anciens, à l’époque gallo-romaine :

Aynard : Agenacus
Chassignole (Chassignoles, Chassignolles) : Cassaniola, «la Petite-Chênaie» – Villa Cassenolis
Besseuil : Betlioialos, « la clairière des bouleaux » – mais le nom de Besseuil provient en fait d’une déformation du nom de la famille de Busseul, de Moulins la Reconce, qui habita les lieux (voir plus de détails dans la page les bords de Guye)
Les Chaumes : Calmae
Bonnay : Belniacus ou Belnadus
la Lochère : la Lèchère, la Lauchère, Liscaria
Besanceuil : Besansuacus